CET HOMME QUI AIMAIT TROP
« Je t’aime trop pour ça !» Cette phrase me rappelle la scène la plus touchante du roman « Le premier cercle » d’Alexandre Soljenitsyne. Le mari est l’un de ces savants dont se méfie le régime soviétique et, pour cette seule raison, il sera interné toute sa vie. Lors d’une courte visite de son épouse qu’on ne lui permet même pas d’embrasser, il lui déclare : « Je t’aime trop pour te voir vivre seule, Oublie-moi ! Notre amour n’a pas d’avenir ! Refais ta vie avec un autre !». « Jamais ! Je t’aime trop pour ça !» lui répond de façon claire et sans appel son épouse en pleurs. Et cet amour si profond sera pour ces deux êtres la seule raison de vivre.
L’Évangile nous montre aujourd’hui Joseph dans une situation intenable : sa fiancée attend un enfant qui n’est pas de lui. Comme il a en elle une confiance absolue, il ne comprend pas ! Que faire ? La répudier ? Ce serait fatal pour sa réputation. « Je t’aime trop pour ça !» se dit-il. Et il décide de laisser aller discrètement l’amour de sa vie !
Il en est là quand il est averti du projet de Dieu. Lui, qui se voyait séparé de sa fiancée à cause de son amour pour elle, voilà que Dieu lui demande de la prendre comme épouse et d’adopter son enfant. Il vivra avec Marie comme prévu, mais sa vie ne lui appartient plus. Il a rejoint Marie dans son don total au projet de Dieu. Ils sont là pour Jésus. Ils l’aiment trop pour qu’il en soit autrement.
Dernièrement, j’entendais une mère dire comment elle s’occupe à la maison de ses deux fils lourdement handicapés. Quand on lui a demandé pourquoi on ne les confiait pas à une institution spécialisée, la réponse a été rapide et limpide : « Je les aime trop pour ça !» Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. On ne peut compter les personnes qui savent, comme Joseph, s’oublier pour se consacrer à ceux et celles qu’elles aiment ou à une bonne cause. Trop souvent sans le réaliser, c’est Jésus qu’elles accueillent au quotidien.
Avec Marie, Joseph attendait cet enfant si mystérieux en qui il se préparait à reconnaître le Sauveur du monde. Comme lui, comme Marie, préparons nos coeurs à reconnaître et à aimer Jésus dans les personnes que nous rencontrerons au cours de ce temps de Noël.
Jean-Louis Courchesne, s.m.m.
